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Cowboys don't cry

Le Monde : “Le réalisateur Frédéric Laffont connaît Clint depuis six ans. Avec lui, il a parcouru des milliers de kilomètres en voiture. De ce compagnonnage, il nous rapporte un documentaire émouvant sur un père et ses trois fils qui, soudés comme un seul homme, tentent de prendre

leur revanche sur la misère.

Il filme une Amérique profonde qui en bave, et la vie d'un jeune Texan - loin du mythe

du cow-boy - qui a presque tout perdu (sa fiancée, sa santé et ses derniers dollars),

pour une finale, gage d'un futur meilleur.”

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Entretien avec Frédéric Laffont, par Billy the Kid.Billy the Kid :

« Le père, le fils, et le Saint-Esprit ? »

Les rêves du père dans le corps du fils. C’est une définition de la tragédie pour les Grecs. Chez les Cannon, heureusement, pour survivre aux épreuves, on rit de tout. Le père évoque la chute d’Icare. Il sait qu’on peut mourir de trop vouloir s’approcher du soleil, mais il ne cesse de vouloir le toucher... Clint, lui, ressemble au Sisyphe d’Homère qui fait rouler, indéfiniment, son énorme pierre jusqu’au sommet inaccessible de la montagne. Clint va de rodéo en rodéo. Il n’est pas esclave du rêve de son père. Il s’en libère peu à peu... Pas de Saint-Esprit mais beaucoup de transcendance !

 

Un western du XXIème siècle ?

Les Cannon ne connaissent ni les classiques du western et ni ceux de la littérature américaine mais leur imaginaire a été façonné par le mythe de l’Ouest. Ils ont le sentiment d’être les derniers des hommes libres mais que leur espace ne cesse de rétrécir. C’est l’un des grands thèmes du western. Comme dit Clint : “Le monde entier sait que l’Amérique a été faite par les cow-boys. On ne va pas la laisser mourir.” 

Être un cow-boy en ce début du XXIème siècle, c’est affronter les miles dans une voiture climatisée, la solitude et l’ennui sur des parkings, mais c’est aussi, pour Clint, défendre une certaine idée de la patrie. Ils croient au rêve américain, ils l’incarnent.

 

À quoi rêvent les cowboys ?

"Au bout de la route, il y a un ranch. Notre ranch." C’est la dernière réplique de Clark Gable à Marilyn Monroe dans Les Misfits de Jonh Houston(1961). Plus de 50 ans plus tard, ce rêve n’a pas pris une ride. Dans l’imaginaire des cow-boys, le ranch se définit par l’absence de voisin, une terre vierge comme l’était l’Ouest dans la mythologie hollywoodienne. Vivre loin de la ville, près de la nature, entre cow-boys, avec des chiens, des chevaux et des vaches aussi... Un monde aussi mythique qu’irréel où les cow-boys pourront vivre en accord avec leurs valeurs.

 

Quelles sont ces valeurs ?

Valeurs d’entraide, code d’honneur et de politesse. Comme dans les films ! On aide toujours son prochain, surtout si c’est un cowboy. On héberge chez soi, on nourrit, on trouve du boulot à un concurrent blessé ou fauché qui a échoué au Texas... On s’arrête de nuit pour protéger une femme seule tombée en panne sur une route déserte du Névada. On donne ses derniers dollars à plus pauvre que soi. Jamais pendant toutes ces années de tournage je n’ai pris les Cannon à défaut sur leurs valeurs chevaleresques.

 

Quelle est leur vision du monde ?

Binaire. Le Bien, le mal. Good ou bad guy. Avec ou contre nous. Clint était déçu de découvrir le New York Times sur la banquette de ma voiture. Pour lui, c’est un peu la Pravda. Les Cannon ne lisent pas le très conservateur Houston Chronicle, ils trouvent qu’il y a trop de mauvaises nouvelles... Pour le charrier, j’ai demandé à Clint pourquoi il ne votait pas pour Obama ? Il était soufflé. C’était tellement évident pour lui... Il a rassemblé ses esprits et il m’a dit : "Est-ce qu’un type qui est contre le port des armes peut être bon ? ". Cow-boy, non ? On peut parler d’idéologie et de vision du monde. D’ailleurs, la plupart des officiers des forces spéciales américaines sont des Texans, comme les Cannon...

 

Quid du rêve américain ?

Plus il semble s’éteindre, plus il continue de briller. Les pères ratent, les fils prennent le relai et, comme Clint, gagnent, parfois. Gagner ou perdre n’est pas le plus important.

Il faut y croire, en être, participer à cette course folle au succès rédempteur qui fracasse chaque saison de rodéo des centaines de jeunes blancs, pauvres et réac que sont les cowboys de ce début de XXIème siècle... C’est un rêve puissant. Il ne fascine plus en dehors des Etats-Unis, mais il reste un moteur essentiel de la vie politique. Obama, Clinton, Reagan (le héros des Cannon), Bush, Trump : tous ne cessent de s’y référer. L’Amérique des Canon n’est plus celle de John Houston ?

Comme disent les cowboys : "There’s always another rodéo".

 

THE END

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